Élever la prise de décision à un niveau… virtuel

Élever la prise de décision à un niveau… virtuel

Des films de match à leurs faits saillants, en passant par les jeux vidéo hautement réalistes, les visualisations et simulations ont été largement adoptées et utilisées dans bien des sports, et ce, à tous les niveaux. Une vaste littérature appuie leur utilité à titre d’outils d’entraînement pour l’amélioration des capacités de prise de décision en laboratoire. Cependant, peu de recherches avaient été effectuées pour documenter si ces techniques offraient des résultats généralisables et transférables sur les terrains de basketball – du moins jusqu’à maintenant. L’étudiant-chercheur Caleb Pagé ainsi que les Prs Maxime Trempe de l’Université Bishop’s et Pierre-Michel Bernier de l’Université de Sherbrooke ont uni leurs efforts pour étudier et améliorer cette technique d’entraînement bien connue.

Training with virtual reality

L’amour de Caleb Pagé pour le basketball remonte à l’enfance, lorsqu’il regardait son père évoluer dans une ligue récréative, les jeudis soirs. Suivant le sillon tracé, le jeune Caleb a joué au basketball au secondaire, ainsi qu’au cégep, à Québec, de même que pendant une année, au sein de la National Collegiate Athletic Association (NCAA) de la Clarks Summit University, en Pennsylvanie.

Ayant troqué son maillot pour un sifflet et un carnet de notes, il en est maintenant à sa 11e année à titre d’entraîneur d’un programme scolaire au secondaire. Il compte également quatre ans à titre d’entraîneur adjoint au niveau universitaire à l’Université Bishop’s, où il a également complété un baccalauréat en études sportives. Son diplôme de premier cycle en main, Caleb Pagé croyait pouvoir développer encore plus ses compétences d’entraîneur s’il décrochait une maîtrise en sciences de l’activité physique. Il s’est donc tourné vers le Pr Trempe pour des conseils sur la marche à suivre. Ce dernier lui a suggéré de chercher à faire évoluer le savoir, « mais aussi de chercher des applications concrètes, qui l’aideraient à être un meilleur entraîneur ensuite. Travailler sur l’entraînement à la prise de décision semblait logique, puisqu’il s’agit d’un des principaux éléments lorsqu’on est entraîneur de basketball », raconte-t-il.

En s’appuyant sur son expérience d’entraînement au niveau universitaire, Caleb Pagé raconte qu’il « voyait des athlètes s’exécuter avec un haut niveau d’habileté, mais qu’ils avaient de la difficulté à bien lire les options qui s’offraient à eux ou les différents types de jeu, une fois sur le terrain ». Ces observations lui ont permis de définir sa cible : que font les entraîneurs pour aider les athlètes à améliorer leur prise de décision lorsque l’entraînement physique en ce sens est peu efficace, ou même impossible? Une tendance commune est ressortie de sa revue de la littérature : la simulation vidéo. Une fois ce plan de match établi, le Pr Trempe a fait appel à un collègue, le Pr Pierre-Michel Bernier de la Faculté des sciences de l’activité physique de l’Université de Sherbrooke, en vue d’une collaboration.

Photo of Caleb Pagé, Dr. Maxime Trempe and Dr. Pierre-Michel Bernier

Une collaboration qui subsiste

Cette collaboration particulière s’appuie sur un partenariat de plus longue date entre les Prs Trempe et Bernier, alors que leurs chemins se croisent régulièrement dans le cadre de leurs domaines de recherche. Le Pr Trempe a obtenu son doctorat en sciences de l’activité physique à l’Université de Montréal. Ses principaux intérêts gravitent autour du développement des athlètes ainsi que du processus d’acquisition des habiletés qui le sous-tendent. Le Pr Bernier a pour sa part complété son doctorat à Université d’Aix-Marseille II, avec une spécialisation portant sur les mécanismes du système nerveux sous-jacents aux processus de contrôle du mouvement. « Le Pr Trempe est davantage spécialisé en apprentissage, alors que je suis davantage spécialisé sur le plan du contrôle de la motricité, alors ce projet se retrouvait à l’intersection des deux. C’est un projet qui se situe directement au centre de nos intérêts de recherche respectifs », indique le Pr Bernier.

Sur les terrains

Une fois inscrit à la maîtrise à l’Université de Sherbrooke, Caleb Pagé a entamé sa collaboration avec les équipes de basketball de l’Université Bishop’s. Cette collaboration entre les institutions crée une « situation gagnant-gagnant », résume le Pr Bernier.

S’attaquant d’emblée au statu quo, l’équipe de chercheurs a cherché à savoir si l’usage de simulations vidéo dans le cadre d’un programme d’entraînement pouvait déboucher sur des gains d’aptitudes en prise de décision, qui seraient à la fois transférables, du laboratoire aux terrains, et généralisables, de situations de jeu entraînées aux situations non entraînées. L’un des aspects importants de ce projet résidait dans le fait « d’investiguer quelque chose que tous les entraîneurs font déjà, sans toutefois s’appuyer sur des évidences expérimentales pour juger de son efficacité ».

Poussant même un peu plus loin, ils cherchaient aussi à savoir si la réalité virtuelle pourrait constituer une amélioration par rapport à la vidéo traditionnelle. Caleb Pagé a donc arpenté le terrain pour développer un programme d’entrainement centré sur une perspective vidéo à la première personne, en recueillant des images à la fois avec une caméra GoPro et une caméra 360 degrés.

Ayant recruté vingt-sept joueurs de basketball de niveau universitaire, Caleb Pagé a commencé à entraîner et à tester les participants. Chaque cohorte – de quatre à six joueurs – a pris part à un pré-test, subi une semaine d’entraînement, et conclu avec une évaluation finale. L’entraîneur a répété ce modèle pendant six semaines. Une fois les résultats validés, ceux-ci se sont avérés très stimulants. Une présentation sur écran d’ordinateur résulte en des gains transférables, mais non généralisables, ce qui signifie que les joueurs se sont améliorés, mais uniquement lorsqu’ils ont affronté des jeux similaires à ceux observés pendant l’entraînement. Toutefois, leurs résultats ont révélé qu’à l’aide de la réalité virtuelle, les gains étaient à la fois transférables et généralisables sur les terrains, ce qui signifie que les joueurs se sont également améliorés face à de nouvelles situations. Cela ouvre des possibilités emballantes pour des entraîneurs qui veulent incorporer la réalité virtuelle à leurs programmes, à coût relativement modique, sur une base scientifique.

Le projet de maîtrise de Caleb Pagé s’est transformé en une collaboration fructueuse, dont les résultats pavent la voie pour d’autres projets de recherche. Il a eu l’occasion de présenter son projet dans le cadre de nombre de conférences prestigieuses, telles qu’à la Société canadienne d’apprentissage psychomoteur et de psychologie du Sports (SCAPPS), le congrès annuel Ski Québec et deux fois lors d’événements organisés par l’Institut national du sport du Québec (INS). Il a également donné des présentations auprès de Hockey Québec, Basketball Québec et Basketball Canada.

Quant à ses cosuperviseurs, ils continuent à faire équipe auprès d’autres étudiants à la maîtrise, et organisent la tenue du prochain congrès de la SCAPPS l’an prochain, à Montréal. Tous deux ont mis en œuvre la recherche de l’étudiant dans le cadre de leurs cours, partageant ainsi ce savoir avec la prochaine génération d’entraîneurs et d’athlètes enthousiastes.